Sexualité chez les jeunes : le grand virage démographique que les parents n’avaient pas vu venir. En 2023, 38 % des lycéens français affirmaient avoir déjà eu un rapport sexuel complet, contre 45 % en 2017 (Enquête HBSC). Cette chute de 7 points interroge autant qu’elle rassure. Mais, parallèlement, l’INED signale une hausse de 22 % des consultations d’urgence pour suspicions d’IST chez les 15-24 ans entre 2020 et 2023. Contradiction ? Pas vraiment.
Évolutions récentes des comportements sexuels
La sociologue Nathalie Bajos (Inserm) rappelle que « la sexualité des jeunes se digitalise à grande vitesse ». L’omniprésence de Snapchat, TikTok et OnlyFans modifie le rapport au corps et au désir.
- En 2024, 71 % des 16-18 ans confessent avoir déjà reçu ou envoyé un nude (Baromètre CSA).
- Le premier visionnage de pornographie intervient à 11 ans en moyenne, soit deux ans plus tôt qu’en 2015.
- 56 % des 18-24 ans utilisent un préservatif lors du premier rapport, contre 73 % en 2010 (Santé Publique France).
D’un côté, la démocratisation des outils numériques facilite l’accès à l’information sexuelle. De l’autre, elle expose plus tôt à des pratiques non contextualisées. Cette double tendance crée un fossé inédit entre la baisse de la fréquence des rapports et la montée de certains risques sanitaires.
À quel âge les jeunes débutent-ils leur vie sexuelle en 2024 ?
France
L’âge moyen du premier rapport est passé de 17,4 ans en 2010 à 17,6 ans en 2022. Ce léger recul s’explique par la prolongation des études et une socialisation plus virtuelle. Les zones rurales restent toutefois plus précoces (17,1 ans) que les métropoles (17,9 ans).
Comparaison internationale
- Suède : 16,9 ans (Agence suédoise de santé publique, 2023).
- États-Unis : 17,2 ans (CDC Youth Risk Behavior, 2023).
- Japon : 18,3 ans (Universités de Tokyo & Kyoto, 2022).
La France se situe donc dans une moyenne haute européenne mais reste au-dessus du Japon, où la « perte de vitesse amoureuse » préoccupe les autorités depuis une décennie.
Défis éducatifs et sanitaires persistants
Éducation sexuelle fragmentée
La loi française de 2001 impose trois séances annuelles d’éducation à la sexualité. Pourtant, 48 % des collégiens déclarent n’en avoir reçu qu’une seule en 2023. Les établissements peinent à recruter des intervenants formés, tandis que 32 % des enseignants se disent mal à l’aise avec le sujet.
Explosion des IST
Chlamydia, gonorrhée et syphilis progressent. L’Institut Pasteur note +28 % de cas de chlamydia chez les 18-25 ans entre 2021 et 2023. Le SARS-CoV-2 a masqué ce rebond médiatiquement, mais pas biologiquement.
Santé mentale et consentement
Le consentement reste flou : 41 % des 15-17 ans ne savent pas définir une relation réellement consentie (Ifop, 2024). Dans le même temps, les consultations en santé mentale pour traumatismes sexuels ont augmenté de 19 % chez les 12-20 ans entre 2019 et 2023 (Haute Autorité de Santé).
Points clés à retenir
- Manque de formation des adultes référents.
- Normalisation du porno comme modèle relationnel.
- Inégalités territoriales dans l’accès aux centres de planification.
Quelles mesures pour une sexualité responsable et éclairée ?
Première évidence : la prévention ne peut plus se limiter aux slogans 1990s du type « Pas de gant, pas de galipette ». Les réseaux sociaux sont devenus la scène principale.
- Renforcer la présence de gynécologues et d’andrologues sur Instagram et Twitch (l’Ordre des médecins l’autorise depuis 2021).
- Introduire des modules interactifs sur la sextech et le respect du corps dans le programme EMC dès la 5ᵉ.
- Développer des bus santé itinérants dans les zones rurales, sur le modèle des bibliobus, pour dépistage gratuit et distrib’ de préservatifs.
Comment parler de pornographie sans diaboliser ?
Une étude de l’Université de Montréal (2023) indique que les ateliers de « décodage d’images » réduisent de 15 % la pression à la performance sexuelle. Concrètement, montrer un extrait flouté, l’analyser, questionner le montage et la posture des acteurs suffit à briser le mythe.
Pourquoi la contraception masculine peine-t-elle à décoller ?
Le Vasalgel (contraception réversible proposée par la fondation Parsemus) reste en phase 3. Les anneaux testiculaires thermiques, popularisés à Toulouse en 2022, ne convainquent que 0,2 % des étudiants. La virilité traditionnelle, renforcée par certaines influences TikTok, freine l’adoption.
Nuances, paradoxes et pistes d’avenir
D’un côté, la génération Z repousse le premier rapport et s’empare des notions de non-binarité, consentement et écologie intime (menstruations durables, culottes lavables). Mais, de l’autre, l’incidence des violences sexuelles n’a jamais été aussi élevée : +11 % de plaintes chez les mineurs en 2023 selon le ministère de l’Intérieur.
Arte a récemment diffusé « Sexe, mensonges et réseaux »: un documentaire montrant comment les mèmes influencent la perception du plaisir. Pendant ce temps, l’Académie de médecine réitère l’urgence de vacciner les garçons contre le papillomavirus; couverture actuelle : 41 % chez les 16 ans (contre 51 % chez les filles).
Trois leviers à actionner
- Pluridisciplinarité : associer psychologues, éducateurs et artistes (graff ou slam) pour capter l’attention.
- Monitoring des data : utiliser des dashboards anonymisés pour repérer les clusters d’IST en temps réel.
- Continuité numérique : passer des brochures papier aux stories interactives validées par l’OMS.
La sexualité n’est pas un long fleuve tranquille, elle est un flux constant, comme Spotify ou Netflix. Le dialogue intergénérationnel, pourtant, reste la technologie la plus sous-exploité, alors qu’il ne coûte rien et protège beaucoup.
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Je poursuis quotidiennement mes investigations sur les ponts entre santé mentale, nutrition et comportements intimes. Vous souhaitez partager un témoignage, poser une question ou simplement confronter vos idées ? Écrivez-moi : le débat public ne progresse que lorsqu’on remet la parole au centre.

